« Il faut sauver la planète ! » se surprend on à clamer… Mais comment s’y prendre ? Et surtout, comment éduquer les enfants d’aujourd’hui à ces problématiques essentielles pour leur avenir ? D’autant que ces questions ne revêtent pas forcément la même réalité pour chacun d’entre nous. Encore moins les mêmes gestes dans notre quotidien…
Dans quel contexte vit la majorité des enfants [en France] aujourd’hui ? Vivent-ils auprès d’adultes soucieux de réduire notre empreinte environnementale ? Quels sont les freins qui empêchent ces mêmes adultes d’agir ? Enfin l’éducation à l’engagement environnemental se limite-t-elle aux gestes quotidiens des ménages ?
Voici quelques éléments de réflexion dont la chute, vous le verrez, conduit inexorablement aux sources, que nos pratiques éducatives dans l’hexagone ont bien failli oublier…
Pour accompagner notre réflexion, nous nous sommes nourries d’enquêtes INSEE et CREDOC dont vous pouvez retrouver les références en bas de page.
Réveillez le "Passeur de nature" qui sommeille en vous !
Les racines vertes
IMPOSSIBLE d’ignorer actuellement que notre modèle de société met en péril l’environnement naturel dans lequel nous vivons. Qui ne sait pas que nous avons bien des changements à opérer dès aujourd’hui (il fallait déjà commencer hier…) pour que nos enfants puissent vivre dans des conditions soutenables et qu’eux-mêmes soient en mesure de vivre avec une autre vision du monde ? Quelques climatosceptiques tentent bien encore de nier les bouleversements actuels mais majoritairement, nous sommes bien conscients de cette rupture.
Si le plus grand nombre est conscient de la nécessité de changer ses habitudes du quotidien, le passage en actes rencontre cependant quelques obstacles…
Le « vert » à moitié plein
Peut-être faut-il avoir des moyens économiques suffisants pour pouvoir se dégager de l’énergie, du temps et de la réflexion à la cause environnementale. C’est d’ailleurs ce qu’explique l’étude d’Eric Pautard (1) : lorsque nous sommes pris dans l’urgence matérielle du quotidien peu de place est laissée à la préoccupation environnementale. En gros, il faudrait être assez riche pour avoir le loisir de se préoccuper de l’environnement… la réalité est cependant plus nuancée.
Il serait en effet faux de croire que le porte-monnaie est le seul élément déterminant dans l’action des français. Prenons l’exemple des émissions de dioxyde de carbone liés aux achats : 29 % sont dues aux 20% les plus aisés contre 11% qui viennent des foyers les plus modestes (Etude Langlart et al., 2010 citée dans le rapport INSEE). C’est ainsi que nos préoccupations économiques peuvent nous pousser à agir dans le sens de la sobriété. Par exemple, une attention particulière sera donnée à la consommation d’eau. En sens inverse, les foyers qui ont des moyens économiques suffisants peuvent avoir tendance à consommer plus, à acheter plus.
Dans ce domaine se pose aussi la question du type de consommation. Nous serions sur un nouveau type de consommation : 3 ménages sur 5 achètent des produits de saison. Ce sont les ménages les plus aisés qui achètent le plus souvent des produits bio. En revanche, ces mêmes ménages consomment plus de viande. Par ailleurs, les ménages les plus aisés ont un équipement électrique plus important que les ménages les plus modestes. Or chaque petit appareil est un monstre consommateur d’énergie et de matières premières non renouvelables pour sa fabrication (Vous connaissez la fameuse théorie du lave-vaisselle qui consomme moins d’eau qu’une vaisselle à la main ? Sauf que c’est sans compter les hectolitres d’eau nécessaires à la fabrication de ce lave-vaisselle, ni bien sûr la quantité de métaux qu’il a fallu extraire… et là le bilan est tout autre !)
Un profil vert ?
Le porte-monnaie n’explique donc pas à lui seul nos comportements environnementaux… Mais alors qu’est-ce qui pourrait bien influencer le plus nos engagements ?
Citadin ou ruraux ? Difficile de nettement faire une différence d’engagement. C’est à la campagne que les voitures sont les plus utilisées alors qu’en ville, l’usage d’une voiture est moins fréquent. D’ailleurs les ménages citadins sont bien moins équipés en véhicule motorisé qu’à la campagne. Mais ce sont les citadins qui prennent le plus l’avion.
Les jeunes sont-ils plus dans des comportements réduisant au maximum leur empreinte écologique quotidienne ? Pas dans les mêmes domaines ! Les plus âgés vont être plus attentifs aux produits qu’ils achètent. Mais dans le domaine de l’énergie, ce sont les plus jeunes qui vont essayer de consommer de l’énergie renouvelable. Si les plus âgés utilisent moins leur voiture, ce sont les plus jeunes qui covoiturent le plus.
L’enquête montre un engagement plus fort chez les plus diplômés mais il n’est pas évident de prendre en compte des critères sociaux économiques pour expliquer que des foyers essaient plus que d’autres de réduire leur empreinte écologique.
Mais alors, qu’est-ce qui nous freine ?
« Rame, rame, ramons, ramez… »
« Je voudrais bien mais j’peux point ! »
La pratique la plus répandue chez les français est celle du tri sélectif. Cela vient sans doute d’un effort d’équipement conséquent réalisé par les collectivités depuis quelques années. Cela peut parfois être plus compliqué dans les grandes agglomérations : on relève d’ailleurs que les citadins pratiquent moins le tri.
Il y a donc une dimension pragmatique à ne pas négliger ! Les transports individuels plus utilisés en campagne relèveraient aussi d’une question pratique : le réseau des transports communs ne serait pas assez étendu, moins qu’en ville en tout cas !
Nous pouvons aussi mettre en lien la volonté de réaliser des travaux d’isolation et les revenus d’un foyer. De toute évidence, cela a un coût que chacun ne peut pas supporter.
Un autre exemple, celui de la consommation. Acheter local est une préoccupation qui se développe chez beaucoup mais … est-ce possible ? Les réseaux de vente de producteurs locaux, des organisations différentes font en sorte qu’un grand nombre de territoires soient pourvus en produits locaux. Mais cela n’est pas encore une évidence généralisée ! Originaire du Cantal, je peux affirmer que j’ai vu un changement s’opérer ces dernières années mais il reste encore beaucoup à faire pour que les habitants puissent acheter des légumes produits à proximité et le bio y est encore très marginal.
Bon, il y a donc bien des obstacles matériels au changement mais… n’y en auraient-ils pas d’autres ?
Le changement ce sera… pour plus tard !
Et là, nous sommes plutôt dans des obstacles d’ordre civilisationnels… Nous parlons bien d’un modèle de société, d’idéaux, d’habitudes de vie qu’il faudrait changer.
Les moyens de déplacement sont un exemple assez significatif de cette inertie. Une majorité de personnes ne semble pas encore prête à se passer de la voiture pour des raisons environnementales (Etude Les acteurs économiques et l’environnement, 2017). Pourtant un sondage de 2014 (cité dans cette même étude) révèle que 48% des personnes interrogées pensent qu’il est indispensable que la majorité des automobilistes se passent de leur véhicule. Il est encore bien trop fréquent d’observer des automobilistes se servir de leur engin pour des trajets qui ne nécessitent pas d’aide motorisée… Combien de conducteurs seuls pourraient covoiturer ?
De la même façon, les voyages aériens sont fréquemment utilisés. L’avion est le plus utilisé par les ménages les plus aisés, les personnes vivant seules et les citadins. Là encore, il est difficile de faire le lien entre « conscience écologique » et pratique. Mais nos envies, nos modèles de loisirs nous mènent à des attitudes contradictoires non sans conséquence. Notre lien au temps et à l’espace a tellement évolué qu’il semble compliqué de ne pas s’offrir un bout de voyage accessible… Certains y ajouteront même la notion de liberté : je choisis mes déplacements, je souhaite « gagner du temps », aller le plus vite possible, avoir un espace privatisé, vivre au soleil quand il fait froid dans mon pays,… Les habitudes sont prises !
Il est donc question d’un paradigme à remettre en question. Nos modes de vie dans leur globalité sont à interroger.
Être champion du tri me rend-il légitime pour éduquer à un engagement environnemental ?
L’éducation verte !
Cultivons la sensibilité environnementale
Nous l’avons vu, certaines volontés se heurtent à des obstacles pratiques (pas de transport collectif à proximité), certains comportements peuvent aussi être liés aux ressources financières des foyers, le lieu d’habitat, à l’âge, …. Un ensemble de critères qui peuvent donc inciter ou être des freins à agir en faveur de l’environnement. Mais l’enquête de Eric Pautard montre aussi qu’un des facteurs déterminants est celui de la « sensibilité environnementale ». Plus les individus vont avoir une préoccupation environnementale, plus ils agissent de façon engagée dans leur quotidien : plus économes en consommation d’énergie, plus attentifs à leur consommation mais aussi aux effets des changements climatiques.
Et les enfants dans tout ça ? Un adulte ne peut éduquer ses enfants qu’à des valeurs et gestes dont il est lui-même porteur. D’où l’importance du dernier facteur décrit dans le dossier INSEE d’Eric Pautard (cette fameuse sensibilité environnementale). Ce n’est donc pas parce qu’un adulte va se trouver en face d’obstacles pour qu’il puisse s’engager dans son quotidien en faveur de notre environnement qu’il ne peut pas éduquer à un engagement environnemental. L’Education Relative à l’Environnement ne se résume pas au tri des déchets, loin s’en faut ! 😉
Changeons de paradigme !
Comment faire alors ?
Nous vous proposons à présent de réfléchir à des gestes, comportements qui vont faire sens pour les enfants. La théorie ne vaudra rien si nos enfants n’ont pas pu vivre les choses.
Oui, évidemment, les robinets à ne pas laisser couler à grandes eaux, les lumières à éteindre, … Sont autant de petits gestes auxquels nous devons être sensibilisés mais…. Ces discours donnés aux enfants ne vaudront rien s’ils ne peuvent être liés à une réalité vécue par eux.
Je m’explique ! Bien souvent, les enfants ont des connaissances sur le tri des déchets, la pollution, les cycles de l’eau… mais quel lien font-ils avec l’environnement naturel ? Sans expérience sensible vécue ces discours ne seront que moralisateurs sans que les enfants puissent aller plus loin dans leur engagement. Mais quel engagement ?
« Nous ne pourrons pas gagner ce combat pour sauver les espèces et l’environnement sans forger un lien émotionnel entre nous et la nature. Car nous ne nous battrons que pour sauver ce que nous chérissons. » (7) Thomashow
C’est ce point précis qu’il faut repenser ! Nous avons besoin que les enfants d’aujourd’hui soient prêts à résoudre les problématiques environnementales de demain. Cela nécessite de leur proposer une éducation qui puisse leur offrir la possibilité de changer de paradigme. Après tout, imaginons nos enfants qui appliquent rigoureusement ce qui est demandé à chacun de faire comme geste écocitoyen : je trie mes déchets, j’éteins les lumières quand je quitte une pièce, je ne prends pas de bain, … Ces gestes limitent en effet notre empreinte écologique mais… ne suffiront pas ! Rendons-nous compte que le changement climatique a déjà commencé et que certaines populations sont déjà bien impactées. Seul, même si je trie mes déchets, mon action est extrêmement limitée. Nous avons désormais besoin de repenser notre monde : nous pouvons (et devons !) être complémentaires les uns les autres dans nos actions et réflexions. C’est pourquoi notre monde actuel, élitiste basé sur la compétition, ne peut pas répondre au défi climatique et à ses conséquences. Cela implique de revenir sur la vision d’un homme qui serait naturellement compétitif, individualiste. Savez-vous que de récentes études montrent que cela est faux ? (3) Les théories de certains courants économistes ont fait bien des dégâts dans nos représentations…
2 fondements encore trop négligés…
C’est ainsi que nous pensons que pour éduquer nos enfants à un engagement environnemental, 2 axes pourraient être privilégiés :
Premièrement : un contact, le plus fréquent possible, avec la nature pour chaque enfant.
Oui, même la nature en ville. Permettre aux enfants de sentir sa connexion au monde vivant qui l’entoure (donc… un peu moins d’écran). La nature est une source de bien être mais aussi d’apprentissage qui permet aux enfants de grandir enracinés dans leur environnement. C’est connaître qui nous sommes mais aussi percevoir comment évolue notre environnement naturel. En ce sens, je peux me fier à mon expérience sensible sans me laisser manipuler (même s’il est difficile de percevoir avec nos seuls sens tous les changements…).C’est aussi avoir accès à des moments de bien-être qui ne sont en rien liés à des contentements illusoires basés sur la consommation de biens.
Deuxièmement : éduquer à la coopération. S’éloigner de ce monde de compétition.
Les espaces naturels offrent un contexte où l’entraide est bien souvent au cœur de nos actions. Cela se fait bien souvent sans plan d’action. Face à des éléments que je ne peux pas maîtriser, j’ai besoin de l’autre que je peux aussi accompagner. Une démonstration ? Ayez la curiosité de visionner le film de Frédéric Plénard Le Lien ! Evidemment, cela passe aussi par la volonté de former autrement nos élèves, nos enfants. Je m’intéresse et suis capable d’agir dans des domaines. Je peux ainsi m’associer à d’autres qui sont experts dans d’autres domaines.
C’est comme cela que je peux réaliser que d’autres ont peut-être besoin de mon aide. Je ne ressens rien du changement climatique mais je sais que d’autres Hommes sont déjà confrontés à cette réalité. Je comprends que la réalité n’est pas quelque chose qui est seulement perceptible par mes propres sens. Coopérer, c’est s’ouvrir au reste du monde et ne pas fermer sa porte en espérant que rien n’impactera ma routine.
Enfin, coopérer c’est aussi gagner en liberté. Si je coopère, je me laisse la possibilité de ne pas accepter que d’autres décident pour moi. Et je participe en outre à la construction d’un nouveau monde…
Vous êtes prêt-es ?
Pour conclure
Quelle attitude éco-responsable donnons-nous à voir à la nouvelle génération ?
Il est évident que nous rencontrons tous des freins mais aussi des facilités pour essayer de réduire notre empreinte écologique. Mais éduquer les enfants à un engagement environnemental ne peut pas se limiter aux gestes « écologiques du quotidien » (notre action en faveur de l’environnement non plus d’ailleurs). Cette éducation invite à un changement de perspectives dont nous sommes tous capables : imaginons un monde dans lequel nos enfants ne dépendront pas d’un système bancal lié à une vision tronquée d’un monde sans limite. Après notre monde inégalitaire, donnons-leur la possibilité de construire un monde dans lequel chaque être peut ressentir son lien à tous les êtres vivants de notre environnement. Parce que s’il est bien question d’agir en faveur de l’environnement, c’est surtout des conditions de vie soutenables des générations futures dont il est question !
Alors oui, les habitudes de vie et le lien à la nature de nos enfants sont d’indispensables éléments éducatifs qui pourront faire d’eux des êtres en bonne santé et engagés dans une possible résilience. Des citoyens prêts au monde de demain.
Pour commencer ? Emmenons nos enfants dehors !!!
Parents et professionnels de l’enfance (3 à 12 ans)
12 mois de formation
Ressources utilisées pour la rédaction de cet article:
(2) « Les acteurs économiques et l’environnement, Insee 2017
(3) L’Entraide, l’autre loi de la jungle, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, Les Liens Qui Libèrent
(4) http://www.credoc.fr/pdf/Sou/CREDOC_Connaissance_du_developpement_durable_en_2013.pdf
(5) http://www.credoc.fr/pdf/Rech/C272.pdf
(6) http://www.credoc.fr/pdf/4p/242.pdf
(7) Citation de Thomashow issue du Mémoire d’Adela Lila Benzid : « Immersion en nature et identité écologique : une recherche-développement d’un programme d’éducation relative à l’environnement inspiré des Forest School », Université du Québec à Montréal, Août 2017
Bonjour,
je crois qu’il faudrait arrêter de dire « sauver la planète ». Elle s’en sortira mais sans l’humain , elle a déjà vécu des situations très différentes de l’actuelle (carbonifère où le gaz carbonique proliférait), elle s’adapte même si les plantes et animaux actuels disparaitront, d’autres se développeront. Ce qu’on veut sauver c’est la planète comme nous la connaissons et nous même (et je ne suis pas contre ce sauvetage).
Merci pour ce nouvel article.
Avec votre permission, j’en partage quelques lignes et un lien vers votre site sur mon blog de maîtresse.
A bientôt !
Merci à vous pour ce colportage 🙂