Tous les matins, ils vont à l’école de la forêt. Coraline Molinié a filmé le quotidien de ces enfants de l’école Montessori de l’Artois*, qui viennent en classe équipés de salopettes de pluie et de jumelles.
Eveil et Nature vous propose un petit tour dans les coulisses aux côtés de Coraline: moments pépites, difficultés et solutions trouvées par l’enseignante, constats et convictions… (Ainsi que la bande annonce et toutes les infos pour voir le film, « A l’école de la forêt » !!)
Pourquoi filmer l’Ecole de la forêt à hauteur d’enfant ?
Coraline Molinié: Mon intention était de partager l’expérience de l’école en forêt que vivent au quotidien ces enfants : suivre leurs aventures au plus près, entrer dans leur imaginaire et leur capacité d’émerveillement.
Je suis convaincue que les émotions, à fortiori celles qui font écho à notre enfance, sont un moteur d’action plus puissant que les mots. J’ai donc décidé de réaliser le film sans voix-off ni aucune interview avec les enseignantes – qui pourtant en avaient des choses passionnantes à partager sur la pédagogie par la nature ! Tout le film se passe en immersion, au plus proche du regard des enfants. Quatre d’entre eux émergent comme les personnages principaux : nous suivons leur évolution au fil des saisons, partageons leurs doutes, leurs petites victoires.
Ecologie forestière, écologie humaine
J’ai débuté ce projet de film avec des considérations écologiques. Mais ce que j’ai découvert au fil de mes tournages en forêt avec les enfants, c’est qu’à partir de 3-4 ans, ils se posent déjà des questions que bien des adultes n’abordent – et encore – qu’à la crise de la quarantaine ! Avec le jeu libre en forêt, guidés par les enseignantes, ils apprennent à communiquer entre eux de façon sereine, à écouter leurs émotions et à savoir ce qu’ils veulent vraiment, pour eux-mêmes. Cela m’a interpellé : bien des adultes auraient des choses à apprendre à l’école de la forêt !
Difficultés et solutions
Les principales difficultés liées au fait d’aller dehors tous les jours que j’ai pu constater étaient plutôt relatives aux adultes ! Les parents, même ceux qui mettent leurs enfants dans cette école, ont parfois encore beaucoup de peurs : que leur enfant se salisse, qu’il prenne du retard sur le programme scolaire, qu’il se blesse… Nous vivons dans une société ultra-sécurisée, et la liberté donnée à ces enfants (même si elle est encadrée), peut surprendre.
J’ai été frappée par la notion de responsabilité que ces enfants acquièrent très vite, du fait de la confiance qu’on leur donne. Mieux vaut parfois qu’un enfant s’égratigne avec un opinel alors qu’il est en train d’apprendre comment l’utiliser, sous la surveillance d’un adulte, plutôt qu’un enfant à qui l’on interdit tout et qui ira faire ses propres tests lui-même, à l’abri des regards
Les nombreux atouts de l’école de la forêt
Laisser aux enfants la possibilité de vivre, sur le temps long, au fil des saisons, au contact des éléments naturels me paraît tout d’abord d’un intérêt écologique majeur. Face à l’urgence climatique, nous devons repenser nos liens au monde vivant. Et comment s’attendre à ce que la génération qui arrive protège une nature qu’elle ne connaît même pas ! Les chiffres sont alarmants : 87% des 8-12 ans ne sauraient pas identifier ce qu’est une betterave. Nous élevons une « génération hors-sol ». Puisque le mode de vie de beaucoup de parents ne leur permet plus de laisser leurs enfants au contact quotidien de la nature, est-ce que ce ne serait pas à l’école qu’il s’agirait, selon la formule de l’anthropologue Philippe Descola, de « recomposer le monde avec l’ensemble du vivant, humains et non-humains » ?
Il ne faut pas négliger la dimension politique de cette capacité d’émerveillement qu’ont les enfants et que l’on brime souvent entre quatre murs : l’expérience vécue dans la forêt impacte leur rapport au monde encore en construction, une certaine sensibilité au vivant. Que penseront ces enfants, une fois adultes, du pillage de la vie marine ? de la crise des pollinisateurs ?
Par ailleurs, l’enthousiasme vécu par ces enfants lors des moments en forêt amène une dimension particulièrement joyeuse dans leur rapport à l’école. Selon l’Éducation nationale, le but des premières années d’école est tout simplement d’aimer l’école. C’est uniquement à partir de cette base que les apprentissages sont possibles. J’ai pu constater, dans l’école que j’ai filmée, que malgré les 50% de temps scolaire que les élèves passent à jouer librement en forêt, leur curiosité, leur engagement et leur concentration en classe n’en étaient que plus élevés !
Et tout cela sans parler des effets positifs, étudiés par les chercheurs spécialistes du «syndrome de manque de nature», sur la santé des jeunes : réduction du stress, des problèmes d’obésité, amélioration de l’immunité, de la vue, des capacités cardio-vasculaires, etc.
Ressources et formation de l’enseignante
Ce qui m’a plu dans le parcours de Jennifer Maréchal, l’enseignante que l’on voit dans le film, c’est qu’il a été nourri par l’expérience et l’intuition. Il y a six ans, elle pratiquait encore la pédagogie Montessori « classique ». Jusqu’au jour où l’atmosphère en classe était tellement électrique qu’elle a décidé, sur un coup de tête, de sortir dans les bois qui jouxtaient l’école pour laisser les enfants se défouler. Au retour en classe, la concentration et l’efficacité dans le travail ont été telles qu’elle a pris l’habitude de renouveler l’expérience.
Ce n’est qu’à partir de là que Jennifer a découvert que cette pratique avait été théorisée sous le nom de « pédagogie par la nature » et qu’elle était déjà bien implantée à l’étranger. Elle termine actuellement la formation « Passeur de nature », et accompagne aujourd’hui les enseignants qui le souhaitent dans la mise en œuvre de cette pédagogie dans leur école.
Déclics ayant amené Coraline Molinié à réaliser ce film
Lors du tournage de mon précédent film (« Paysans Sentinelles », qui suit des paysans qui font de l’agriculture un outil de préservation de la biodiversité), j’ai été marquée par ces personnes qui connaissent vraiment le monde vivant dans lequel ils vivent. J’ai rencontré des naturalistes qui, à chaque pas en nature, s’arrêtent pour « lire » tantôt une crotte qui signifie qu’un renard est passé dans telle ou telle direction, tantôt une plante qui donne des indications sur la composition du sol. Cela m’a fascinée. Je me suis rendue compte que malgré mon amour de la nature, je n’en avais qu’une connaissance que très limitée ! A ce moment-là, ma fille a fait ses premiers pas, et je me suis demandée comment, avec elle, je pouvais nouer des liens forts avec le monde vivant autour de nous. C’est comme ça que j’ai découvert les expériences d’école en forêt.
Parcours de Coraline Molinié, réalisatrice
Pendant dix ans, j’ai réalisé des reportages à travers l’Afrique et l’Asie pour la télévision française et internationale. A mon retour en France, j’ai voulu appréhender d’autres façons d’être au monde par le biais de l’expérience sensible du cinéma documentaire. J’ai d’abord exploré ce thème par l’axe d’une agriculture protectrice de la vie sauvage, avec « Paysans Sentinelles ». C’est à travers l’éducation que je questionne ce thème aujourd’hui dans « A l’école de la forêt ».
Comment voir votre film « A l’école de la forêt »
« A l’école de la forêt » sera diffusé le dimanche 19 février à 20h sur Weo, la chaîne des Hauts-de-France. Il sera ensuite disponible en replay sur leur plateforme https://www.weo.fr/emission/les-documentaires-de-weo/
Le film entend servir de support de débat concernant la pédagogie par la nature. Si vous souhaitez organiser une projection-débat, merci de me contacter directement : coraline_molinie@hotmail.com
Découvrir le site internet du film: www.alecoledelaforet.fr
j’ai hate de pouvoir regarder ce film.
Je suis enseignante en maternelle et pratique l’école dehors une demie journée par semaine.
J’aimerais tellement faire plus!