« Là! Il y en a une autre! » Trois enfants s’approchent et scrutent la boue du sentier d’un oeil interrogateur. L’un d’eux s’avance: « Ca doit être une nouvelle trace de chevreuil, il y en avait d’autres là-bas. » Silence songeur.
C’est la 3e fois que nous sortons en forêt avec cette classe. Les enfants ont jusque là manifesté une énergie débordante à tisser des suspensions arboricoles, bricoler quelques cabanes et plus que tout à apprendre à manier un couteau pour réaliser de petites sculptures sur bois vert. Une grande partie de chaque séance est également dédiée à leurs jeux libres: exploration du bois, inventions de nouveaux bricolages, imagination…
Pour la 1ère fois ce matin, lors de la marche d’approche, l’attention de tous se fixe sur ces empreintes bien marquées sur le sol. « Nous ne sommes pas les seuls à venir ici, certains y vivent et viennent juste de partir. Ils ont dû nous entendre… Avez-vous une idée de qui cela peut-il s’agir? »
J’espère par cette petite intervention induire une attitude d’observation et de questionnement de la part des enfants. Je me garde bien d’apporter des réponses toutes faites, ce qui m’importe est que les enfants se posent des questions, qu’ils interagissent entre eux afin de construire leurs propres réponses. Je n’interviens que par petites touches afin d’accompagner leur cheminement.
Oui, les enfants se sont questionnés sur ces empreintes, ils les ont observées, ont pris des indices (forme, taille, lieu…), ont émis des hypothèses.
La photo ci-dessous a été prise quelques instants après. Que pouvez-vous y observer?
Celles et ceux d’entre vous qui suivent la formation Passeur de Nature peuvent visonner l’extrait vidéo associé à cette photo (accès direct en cliquant ici). Il présente une situation lors de laquelle des enfants me prennent à contre pied. Avec humour, l’un d’eux affirme que l’empreinte est celle d’une antilope. Un autre enfant, plus jeune (en bas à droite sur la photo), est perturbé par cette intervention car il n’a pas encore le recul nécessaire pour apprécier cette plaisanterie.
Pour ma part, je choisis d’entrer en connivence avec l’auteur de la plaisanterie, j’ajoute qu’à bien y regarder il semblerait qu’il y ait du sable sur l’empreinte, peut-être un reste d’un milieu désertique que l’animal a dû traverser pour arriver jusqu’ici. J’adresse dans le même temps un clin d’oeil complice au 2e garçon en espérant le rassurer: oui j’ai compris qu’il savait!
J’aurais tout aussi bien pu rétorquer que les antilopes ne vivaient pas sous nos latitudes et expliquer pourquoi l’empreinte que nous avions sous les yeux était à n’en pas douter celle d’un chevreuil. J’avais l’empreintoscope dans la poche, j’aurais pu le sortir fort à propos. Mais sans doute aurais-je pris le risque de chuter de cette sorte de vague qui portait mon petit groupe. Non, il n’était pas centré sur moi ni sur mon savoir. Oui, les enfants étaient dans un véritable cheminement d’exploration. Oui, il y aurait d’autres occasions d’approfondir les caractéristiques de l’empreinte de chevreuil, cette anecdote serait d’ailleurs un excellent point d’appui. Elle restera du moins un souvenir pétillant.
Et vous? Que pensez-vous de cette anecdote? En avez-vous déjà vécu de semblables? Comment auriez-vous réagi?
>N’hésitez pas à partager votre point de vue en commentaires!
Emilie L.